Until Dawn : expérimentez la terreur pure
La sortie d’Until Dawn, le nouveau et très attendu jeu signé Supermassive Games (en exclusivité sur PlayStation 4), est l’occasion de revenir sur une tendance au rapprochement entre cinéma et jeu vidéo. Qui s’intéresse à la narration sait très bien que le stylo se frotte toujours à un mur, celui séparant l’artiste et le récepteur, qu’il soit lecteur, spectateur, auditeur ou joueur. Le jeu vidéo est, nous en sommes presque totalement convaincu, le moyen rêvé pour répondre à l’envie la plus forte d’un concepteur d’histoire, véritable Graal pour beaucoup : l’interaction avec le public, la participation active. Until Dawn vient poser sa pierre à l’édifice, débuté dès la naissance du jeu vidéo, en s’emparant d’un genre cinématographique très apprécié au sein de la rédaction de SoVideoGame (et de la maison mère Salles Obscures) : le slasher.
Avec Until Dawn, Supermassive Games, jusqu’ici auteur de jeux dédiés au PlayStaion Move, démontre une facette qu’on ne leur soupçonnait absolument pas. Leur jeu s’inscrit, donc, dans le style du slasher, ce genre mettant en scène un psychopathe, le plus souvent masqué, aux prises avec un groupe d’ados quelque peu écervelés. Pour se situer, vous avez surement vu Halloween, Vendredi 13, ou encore Scream ? Très bien, dans ce cas vous pourrez aborder Until Dawn en sachant où vous mettez les pieds. Pour les cinéphiles plus pointus, sachez dores et déjà que le jeu va plus loin dans les références, nous y avons vu notamment du My Bloody Valentine, ou encore l’excellent Carnage. Sans en faire des tonnes, on n’est pas dans un film de Tarantino bourré de références jusqu’à la nausée, Supermassive Games démontre une maîtrise du genre qui fera mouche auprès des amateurs de slashers.
Mais Until Dawn est avant tout un jeu, et il fallait que les développeurs adaptent les codes du slasher à un game design approprié, ainsi qu’un gameplay assez malin pour ne pas trop faire film interactif. Supermassive Games a retroussé ses manches, car le résultat nous a tellement emballé qu’il nous tarde de relancer le jeu pour un second run. Dès l’introduction, on se rend compte de l’énorme boulot accompli. Les deux ou trois premières heures nous plongent dans l’histoire, dans la plus pure tradition du slasher, avec des intrigues secondaires qui passent pour superficielles au premier abord, mais dont les conséquences peuvent s’avérer catastrophiques. C’est le moyen rêvé pour bien exposer au joueur toutes les possibilités qui s’offrent à lui. Et on se rend compte très vite qu’elles ne peuvent être réduite à du QTE (sauf si on est doté d’une mauvaise foi peu commune).
Avant de rentrer dans le détail de certaines situations, il faut rappeler qu’Until Dawn était, à la base, prévu sur PlayStation 3, comme nous le rappelait Will Byles dans l’interview qu’il nous a consacré. Et, plus précisément, le jeu devait être dédié au PlayStation Move, cet accessoire recréant les mouvement de bras du joueur à l’écran, à l’image d’une Wiimote. Pour ne pas jeter tout le travail à la poubelle, Supermassive Games propose deux approches : l’une totalement à la manette, l’autre avec le capteur de mouvement, embarqué par la DualShock 4, afin de profiter des idées de base. Les deux jouabilités peuvent être conseillées, même si notre préférence va à celle avec les capteurs de mouvement, beaucoup plus fun même si, inévitablement, deux ou trois petites imprécisions se font ressentir. Elles sont totalement absentes de la jouabilité sans détection de mouvement, mais on a tellement apprécié le travail sur le rendu des actions qu’on passe totalement l’éponge.
“Oui, mais est-ce que c’est un enchaînement de QTE, comme Heavy Rain ?” est une question qui revient assez souvent. Avant d’y répondre, on précise que résumer le jeu de Quantic Dream à ses Quick Time Events est un raccourci que nous n’empruntons pas. Pour Until Dawn non plus, nous restons très loin de ce sentier que nous considérons comme étrangement exagéré, peu en rapport avec la réalité. Le jeu de Supermassive Games raconte une histoire, celle-ci se développe notamment dans des cinématiques, et parfois des QTE viennent les rythmer. Mais les cinématiques représentent, à tout casser, la moitié du jeu. L’autre est composée de séquences en caméra semi-fixe, avec des angles rappelant la meilleur époque des survival horror. Ces instants plongent le joueur au cœur de moments intenses, dans des décors sublimes qu’on a plaisir à explorer de fond en comble, pour trouver des indices, ou encore des totems, le tout rassemblés dans un journal très bien pensé.
Car Until Dawn, et c’est une grosse différence avec le The Walking Dead de Telltales Games, a compris qu’il ne faut pas oublier de gâter le joueur, en lui proposant de quoi prendre plaisir à farfouiller dans tous les recoins. Trouver des preuves rend heureux le gamer pour ce que ça lui apporte. Les totems surtout, ces objets aussi précieux que parfois bien cachés vous offrent la possibilité de voir le futur pendant quelques centièmes de seconde, l’intérêt étant de vous permettre de vous avertir sur une future action, et ses conséquences. Que ce soit clair, il ne s’agit aucunement de spoilers, mais plutôt d’informations qui peuvent s’avérer utile si, et seulement si, vous faîtes preuve d’une belle perspicacité. C’est bien vu, car ainsi le joueur est fier de son action, d’avoir su déchiffrer moins d’une seconde d’images en mouvement. De plus, trouver ces totems débloque, au fur et à mesure, une vidéo qui, au bout du compte, fait la lumière sur certains mystères du jeu. Signalons aussi la présence de petites vidéos promotionnelles nous présentant les comédiens, les moyens techniques etc, ce qui est toujours bien vu. Until Dawn est très bien pensé dans ces petits à-côté.
Until Dawn mélange avec réussite phase de gameplay à la troisième personne, et cinématiques interactives. Mais, dans ces dernières que nous estimions, plus haut dans le test, à la moitié du jeu à tout casser, les QTE ne sont, là encore, que minoritaires. Car le joueur aura surtout à faire des choix, et pas spécialement à appuyer sur un bouton en rythme avec une action. Et c’est là encore l’une des grandes réussites d’Until Dawn, cet effet papillon est présent jusque dans le journal, qui récapitule chacun d’eux. Par exemple, vous avez choisi, en incarnant Samantha, de regarder dans le sac de Chris. Alors que vous auriez très bien pu ne rien faire. Ce choix aura des conséquences plus tard dans le jeu et, décision très maline de Supermassive Games, le jeu vous signale quand une action est directement liée à une décision prise auparavant. L’effet sur le joueur est garanti.
Samantha est donc en proie aux soucis que vous pouvez lui causer, mais pas uniquement elle. Until Dawn vous fera passer d’un personnage à l’autre mais attention, car vos actions peuvent provoquer pas moins que la mort de votre protagoniste, dans des séquences gores du plus bel effet. Mais ne vous en faîtes pas, car tous les chemins mènent à Rome : une fin, parmi les nombreuses proposées. Après avoir bouclé le scénario, ce qui vous prendra approximativement une dizaine d’heures, vous pourrez vous relancer dans des chapitres précis, histoire de s’essayer à d’autres solutions que celles pour lesquelles on a opté. La durée de vie est donc très satisfaisante, on ne ressent aucune frustration, ni aucune lassitude.
Au final, Until Dawn est une grande réussite, un jeu surprenant et captivant. Contrairement à ce que certains pouvaient craindre, il ne s’agit pas d’un film interactif, mais d’un jeu dont la narration passe par des cinématiques, parfois contenantes des QTE, mais surtout des choix terribles, des dilemmes moraux à bien peser, et des phases de gameplay réussies. Le tout dans une ambiance de slasher incroyablement travaillée, techniquement au point, et musicalement au top. On vous recommande chaudement de foncer sur Until Dawn, un des meilleurs jeux sortis sur la génération de consoles actuelles. Oui, carrément. Mais prenez garde, car poser la main dessus pourrait vous faire veiller jusqu’à l’aube…
NOTE DE LA REDAC
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Gameplay
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Technique
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Ambiance
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Durée de vie
Résumé
Until Dawn est une des très grande réussites de cette rentrée 2015. Captivant, le jeu se permet même de contenter les fans de cinéma de genre, en distillant quelques références qui servent habilement une ambiance géniale. On en redemande !